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CJUE, 23 novembre 2023, EVN Business Service GmbH, C‑480/22

Commentaire par François Lichère, professeur agrégé de droit public

Un marché passé par une centrale d’achat d’un autre Etat-membre est un marché transfrontalier ; les règles relatives au droit applicable valent aussi pour les juridictions compétentes.

Sommaire de L'Essentiel du Droit des Contrats Publics - Décembre 2023

Commentaires de textes ou décisions
 

Conseil d'Etat, avis 23 novembre 2023, Association Imedi, n° 474108, classé B
Le recours Tarn-et-Garonne est ouvert à l’un des titulaires de l’accord-cadre multiattributaires.


CE, 27 novembre 2023, n°462445, SNCF Voyageurs, classé B
Dans le cadre d’un recours Béziers 1 relatif à un litige d’exécution, il n’est pas permis au juge d’annuler le contrat et ce moyen est d’ordre public.


CE, 28 novembre 2023, n°468867, Commune de Saint-Cyr-sur-Mer, classé B
Le candidat irrégulièrement évincé doit avoir été le seul à disposer d’une chance sérieuse d’emporter le marché ou la concession pour être indemnisé du manque à gagner.


CE, Avis, 14 novembre 2023, n° 475648, Société Grands Travaux de l’Océan indien, classé A
Seules les constatations du médiateur et les déclarations des parties recueillies au cours de la médiation sont confidentielles.


CJUE, 23 novembre 2023, EVN Business Service GmbH, C‑480/22
Un marché passé par une centrale d’achat d’un autre Etat-membre est un marché transfrontalier ; les règles relatives au droit applicable valent aussi pour les juridictions compétentes.

 

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Décision commentée :

CJUE, 23 novembre 2023, EVN Business Service GmbH, C‑480/22 

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Commentaire de la décision :

Cet arrêt rendu sur questions préjudicielles d’une juridiction autrichienne apporte deux éléments de réponse qui intéresseront les centrales d’achats de manière générale, même si le contexte concernait des entités adjudicatrices. On était en présence d’un accord-cadre lancé en vue de l’exécution de travaux de pose d’installations électriques ainsi que de travaux de construction et démolition y afférents, par une centrale d’achat autrichienne pour le compte d’une entité adjudicatrice bulgare, sachant que les deux étaient détenus par le land de Basse-Autriche. Deux sociétés bulgares évincées ont saisi un tribunal autrichien qui s’est déclaré incompétent, tout comme l’autorité bulgare de contrôle des marchés publics.

La première réponse de la CJUE est relative à la manière d’interpréter la directive 2014/25 quant à la notion de marché transfrontalier. La juridiction de renvoi demandait si l’article 57, paragraphe 3, de la directive 2014/25 doit être interprété en ce sens qu’une activité d’achat centralisée, dans le cadre de la passation conjointe de marchés par des entités adjudicatrices de différents États membres, est effectuée par une centrale d’achat « située dans un autre État membre » lorsque l’entité adjudicatrice, indépendamment du contrôle exercé sur celle-ci par un organisme de droit public de l’État membre du siège de la centrale d’achat, a son siège dans un État membre autre que celui du siège de la centrale d’achat.

Pour y répondre, la Cour de justice estime que: 

« Nonobstant la circonstance que la directive 2014/25 utilise ainsi, aux fins de déterminer le rattachement d’une entité adjudicatrice à un État membre, des expressions parfois différentes, y compris dans ses diverses versions linguistiques, il n’en reste pas moins que ces expressions laissent entendre que le critère de rattachement retenu par le législateur de l’Union est de nature territoriale, ce qui correspond d’ailleurs à la règle générale, qui ressort, en substance, de l’article 57, paragraphe 1, second alinéa, de cette directive, selon laquelle toute entité adjudicatrice est censée respecter les règles en vigueur dans l’État membre où elle est établie ».

Elle s’appuie donc sur la règle générale et ne tient pas compte du critère de la détention réelle de la centrale d’achat. On est donc en présence d’un marché transfrontalier.

La deuxième question était relative à la compétence territoriale de la juridiction. La directive 2024/25 a voulu régler la question du droit applicable en disposant, en son article 57 § 3 que:

«  Les activités d’achat centralisées sont fournies par une centrale d’achat située dans un autre État membre conformément aux dispositions nationales de l’État membre dans lequel est située la centrale d’achat.

Les dispositions nationales de l’État membre dans lequel est située la centrale d’achat s’appliquent également :

a)      à la passation d’un marché en vertu d’un système d’acquisition dynamique ;

b)      à la remise en concurrence en application d’un accord-cadre. »

La CJUE décide d’étendre ces règles de fond à la question des juridictions compétentes en s’appuyant explicitement sur les deux considérants de la Directive et juge, par une interprétation particulièrement constructive, que: « Il ressort de ces considérants que le législateur de l’Union a entendu non seulement déterminer le droit matériel s’appliquant aux marchés transnationaux et aux centrales d’achat mais également le droit relatif aux procédures de recours auxquelles ces marchés et ces activités sont susceptibles de donner lieu ».

Est ainsi confirmé l’importance, aux yeux de la Cour, des considérants des directives dans le silence des dispositions des directives elles-mêmes.

 

François LICHERE
Professeur agrégé en droit public