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CE, Avis, 14 novembre 2023, n° 475648, Société Grands Travaux de l’Océan indien, classé A

Commentaire par François Lichère, professeur agrégé de droit public

Seules les constatations du médiateur et les déclarations des parties recueillies au cours de la médiation sont confidentielles.

Sommaire de L'Essentiel du Droit des Contrats Publics - Décembre 2023

Commentaires de textes ou décisions
 

Conseil d'Etat, avis 23 novembre 2023, Association Imedi, n° 474108, classé B
Le recours Tarn-et-Garonne est ouvert à l’un des titulaires de l’accord-cadre multiattributaires.


CE, 27 novembre 2023, n°462445, SNCF Voyageurs, classé B
Dans le cadre d’un recours Béziers 1 relatif à un litige d’exécution, il n’est pas permis au juge d’annuler le contrat et ce moyen est d’ordre public.


CE, 28 novembre 2023, n°468867, Commune de Saint-Cyr-sur-Mer, classé B
Le candidat irrégulièrement évincé doit avoir été le seul à disposer d’une chance sérieuse d’emporter le marché ou la concession pour être indemnisé du manque à gagner.


CE, Avis, 14 novembre 2023, n° 475648, Société Grands Travaux de l’Océan indien, classé A
Seules les constatations du médiateur et les déclarations des parties recueillies au cours de la médiation sont confidentielles.


CJUE, 23 novembre 2023, EVN Business Service GmbH, C‑480/22
Un marché passé par une centrale d’achat d’un autre Etat-membre est un marché transfrontalier ; les règles relatives au droit applicable valent aussi pour les juridictions compétentes.

 

Brèves

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Décision commentée :

Conseil d'Etat, Avis 14 novembre 2023, n° 475648, Société Grands Travaux de l’Océan indien, classé A 

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Commentaire de la décision :

Dans le cadre d’un des contentieux en cours de la Nouvelle route du littoral (La Réunion), un des titulaires a souhaité produire devant le juge des éléments ayant déjà été produits devant le médiateur.

Deux logiques s’affrontent ici : celle, a priori implacable du texte du Code de justice administrative, lequel définit la médiation de manière très large comme « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction » (L. 213-1) et surtout la soumet au principe de confidentialité : l’article L. 213-2 dispose que « sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être (…) invoquées ou produites dans le cadre d’une instance juridictionnelle (…) sans l’accord des parties ».

L’autre logique résulte de la jurisprudence administrative qui s’est, jusqu’à présent, montrée très peu formaliste quant au mode d’obtention d’une preuve : ainsi, elle admet la validité d’une pièce obtenue en violation d’un secret protégé par la loi (CE 2 octobre 2017, M. Solana, n° 399753, p. 443).

L’avis contentieux revenait à se prononcer sur la notion de « constatations du médiateur et déclarations des parties recueillies au cours de la médiation ». Le rapporteur public Marc Pichon de Vendeuil penchait pour une approche étendue du principe de confidentialité et donc une définition large de cette notion. Il indiquait ainsi ne pas vouloir isoler les documents ne comportant que « des données factuelles ou techniques ». Pour le rapporteur public, « si la distinction est séduisante intellectuellement, elle nous paraît assez largement impraticable et pourrait au contraire donner lieu à des litiges inutiles quant à ce qui est factuel et ce qui ne l’est pas. Il nous paraît plus sage, pour assurer le développement de la médiation, de poser une règle simple qui garantisse aux parties qu’il n’y aura pas de « saucissonnage » du principe de confidentialité, ce qui sera de nature à renforcer leur confiance et leur engagement dans ce type de processus ». Reprenant une définition d’un commentateur d’un arrêt de la Cour de cassation, il proposait de dire que « ce qui est couvert par la confidentialité, c’est ce qui est ‘issu’ de la procédure de médiation et non les documents sur le fond qui seraient produits au cours des réunions mais qui ne trouvent pas leur origine dans la médiation elle-même et son déroulement ».

Le Conseil d’Etat adopte une conception plus stricte de la confidentialité en excluant de celle-ci plusieurs éléments :

« Les dispositions de l’article L. 213-2 ne font pas obstacle à ce que soient invoqués ou produits devant le juge administratif d’autres documents, émanant notamment de tiers, alors même qu’ils auraient été établis ou produits dans le cadre de la médiation. Tel est en particulier le cas pour des documents procédant à des constatations factuelles ou à des analyses techniques établis par un tiers expert à la demande du médiateur ou à l’initiative des parties dans le cadre de la médiation, dans toute la mesure où ces documents ne font pas état des positions avancées par le médiateur ou les parties en vue de la résolution du litige dans le cadre de la médiation ».

On le voit, le « notamment émanant de tiers » n’exclut pas des documents émanant des parties et surtout des documents peuvent être produits devant le juge alors qu’ils ont pu émaner de la médiation. Il est vrai qu’ils seraient contre productifs de ne pas produire des expertises devant le juge et de devoir refaire une expertise déjà établie dans le cadre de la médiation. Il reste que la distinction entre constations factuelles ou analyses techniques et prises de position sera difficile à établir tant cela reste entremêlé en pratique.

Enfin, le Conseil d’Etat étend la confidentialité au cas où le juge administratif ordonne avant dire droit une expertise et où l’expert se voit confier une mission de médiation : doivent demeurer confidentiels les documents retraçant les propositions, demandes ou prises de position de l’expert ou des parties, formulées dans le cadre de la mission de médiation en vue de la résolution amiable du litige.

François LICHERE
Professeur agrégé en droit public