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CE, 9 novembre 2023, Société Transport tertiaire industrie, n° 469673, classé B

Commentaire par François Lichère, professeur agrégé de droit public

La notification au titulaire du marché d’un décompte général, même irrégulier, fait obstacle à l’établissement d’un décompte général et définitif tacite à l’initiative du titulaire et il appartient au juge du contrat de statuer sur les réclamations pécuniaires présentées par chacune des deux parties pour déterminer le solde de leurs obligations contractuelles respectives.

Sommaire de L'Essentiel du Droit des Contrats Publics - Novembre 2023

Commentaires de textes ou décisions
 

Loi Industrie verte, n°2023-973 du 23 octobre 2023, art. 25 à 30
La loi industrie verte et la commande publique : beaucoup de bruit pour rien ? (Articles 25 à 30 de la loi n°2023-973 du 23 octobre 2023).


CE, 13 oct. 2023, n° 464955, M. Carré et Collectif alétois de gestion publique de l’eau, classé B
La notion de risque d’exploitation et les modalités de communication des documents d’information destinés aux membres d’un conseil municipal à l’occasion de l’attribution d’une délégation de service public précisées.


CE, 13 oct. 2023, n°470101, Société Culturespaces, classé B
L’intérêt lésé du tiers contestant un refus de résilier interprété restrictivement.


CE, 9 nov. 2023, Société Transport tertiaire industrie, n° 469673, classé B
La notification au titulaire du marché d’un décompte général, même irrégulier, fait obstacle à l’établissement d’un décompte général et définitif tacite à l’initiative du titulaire et il appartient au juge du contrat de statuer sur les réclamations pécuniaires présentées par chacune des deux parties pour déterminer le solde de leurs obligations contractuelles respectives.


CE, 17 oct. 2023, n°465913, Commune de Viry-Châtillon ; n° 469071 – Syndicat intercommunal d’énergies du département de la Loire, classé B
La qualité de sous-traitant attribuée à un fournisseur dépend de la spécificité de la prestation et pas nécessairement de la pose ; la simple opposition d’un membre du groupement au paiement du sous-traitant suffit à fonder le refus du maître d’ouvrage du paiement direct.

 

Brèves

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Décision commentée :

Conseil d'Etat, 9 novembre 2023, Société Transport tertiaire industrie, n° 469673, classé B

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Commentaire de la décision :

L’arrêt est fiché au Lebon pour deux raisons. La première renvoie à la question de savoir quelle procédure doit prévaloir lorsque le titulaire a successivement déclenché la procédure d’établissement du décompte général expresse et la procédure tacite, cette dernière ayant été mise en place en 2014, mais reprise en substance en 2021, de sorte que la réponse donnée par le Conseil d’État vaut également pour le nouveau CCAG. Sans grande surprise, le Conseil d’État privilégie la procédure de droit commun sur celle du DGD tacite qui « doit rester ce qu’elle est, c’est-à-dire une procédure exceptionnelle destinée à pallier l’inertie complète du maître d’ouvrage » comme le dit le rapporteur public Marc Pichon de Vendeuil. Il avançait un argument textuel : l’article 13.4.4 du CCAG 2014 qui soumet la mise en œuvre de la procédure de DGD tacite à l’absence de notification au titulaire du décompte général sans faire référence à une condition de régularité de ce décompte.

Il estimait au surplus que le Conseil d’État a implicitement considéré que, bien qu’irrégulier, un décompte général du maître d’œuvre a une existence juridique et qu’il n’est pas dépourvu d’effet sur les relations entre les parties (CE 14 mai 2008, Sté CSM Bessac, n° 288622, T. pp. 814-817).

En conséquence, le seul envoi au titulaire du marché d’un projet de décompte par le maître d’œuvre, même irrégulier, est de nature à faire obstacle à la procédure de DGD tacite à partir de son propre projet de décompte général.

Au passage, le rapporteur public ajoutait que le Conseil d’État pouvait, par un obiter dictum, préciser que la cour n’avait pas non plus commis d’erreur de droit en jugeant qu’en rejetant la réclamation du titulaire, le pouvoir adjudicateur devait être regardé comme ayant régularisé le défaut de signature qui entachait son projet de décompte général. Mais le Conseil d’État n’a pas jugé utile d’émettre un tel obiter.

Le deuxième motif de fichage de l’arrêt tient à ce qu’il appartient au juge du contrat de statuer sur les réclamations pécuniaires présentées par chacune des deux parties pour déterminer le solde de leurs obligations contractuelles respectives. Pour comprendre ce qui peut paraitre comme une évidence, il faut savoir que le juge de première instance avait intégré, dans le calcul du solde, des pénalités de retard dont le versement n’avait pas été revendiqué par le défendeur, c’est-à-dire la personne publique. Le titulaire estimait ainsi que le juge avait statué ultra petita. Mais le rapporteur public convainc le Conseil d’État de rejeter l’argument au motif que ces pénalités de retard figuraient dans le décompte général et qu’elles étaient contestées par le titulaire donc non définitives de sorte que le juge devait donc bien se prononcer sur le décompte dans son ensemble.

François LICHERE
Professeur agrégé en droit public