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CE, 22 décembre 2023, n°472699, Office public de l'habitat Domanys, classé B

Commentaire par François Lichère, professeur agrégé de droit public

Le devoir de conseil du maître d'œuvre s’étend à toute non-conformité de l’ouvrage aux stipulations contractuelles, aux règles de l’art et aux normes qui lui sont applicables.

Sommaire de L'Essentiel du Droit des Contrats Publics - Janvier et Février 2024

Commentaires de textes ou décisions
 

CE, 29 décembre 2023, n°488288, Société Pacific Mobile Télécom, classé B
Les principes constitutionnels de libre accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats s’opposent à une loi de pays qui apporte une dérogation générale aux règles de publicité et de mise en concurrence pour la distribution d’électricité.


CJUE, 7 décembre 2023, aff. C-441/22, Zamestnik-ministar, et C-443/22, Obshtina Balchik
La modification d’un contrat consistant en un allongement des délais d’exécution est substantielle, ne passe pas forcément par un acte formel et un pouvoir adjudicateur diligent doit inclure des clauses de réexamen pour des causes de suspension prévisibles


CJUE, 21 décembre 2023, C‑66/22, Infraestruturas de Portugal SA
La décision d’exclure ou de ne pas exclure un candidat au regard de sa fiabilité doit être motivée.


CE, 22 décembre 2023, n°472699, Office public de l'habitat Domanys, classé B
Le devoir de conseil du maître d'œuvre s’étend à toute non-conformité de l’ouvrage aux stipulations contractuelles, aux règles de l’art et aux normes qui lui sont applicables.


Cass., Civ. 3eme, 26 octobre 2023, n°22-19.444
Une promesse de vente d’un terrain appartenant au domaine privé d’une commune, assortie de l'engagement des acquéreurs de construire plusieurs logements en mixité sociale, ainsi que la livraison à la commune, à titre de paiement partiel du prix de vente des terrains, d'un local brut et de places de stationnement n’est pas un marché de travaux.

 

Brèves

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Décision commentée :

CE, 22 décembre 2023, n°472699, Office public de l'habitat Domanys, classé B

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Commentaire de la décision :

Le devoir de conseil dont il est question dans l’affaire en cause concerne le moment de la réception de l’ouvrage mais la solution adoptée par le Conseil d’Etat l’étend à toute non-conformité à l’ensemble des aux normes applicables. Le contexte était le suivant : postérieurement à la réception des travaux, le directeur départemental des territoires de l’Yonne a mis en demeure l’OPH Domanys, maître de l’ouvrage, de mettre les logements en conformité aux normes portant sur leur aération et leur accessibilité aux personnes handicapées. Les travaux de reprise se sont élevés à 80 000 euros, somme ensuite réclamée par le maître de l’ouvrage au maître d’œuvre au titre de son défaut de conseil.

Jusqu’alors, la jurisprudence rangeait dans le devoir de conseil les vices non signalés affectant l’ouvrage et dont il pouvait avoir connaissance (CE 28 janvier 2011 Société cabinet d’études Marc Merlin et autres, n° 330693 330835 332826, T. p. 1015), le fait de signaler l’entrée en vigueur, au cours de l’exécution des travaux, de toute nouvelle réglementation applicable à l’ouvrage, susceptible d’entrainer la non réception et décider des travaux nécessaires à la mise en conformité de l’ouvrage (CE 10 décembre 2020, M. G..., n° 432783, T. p. 838).

Mais le rapporteur public expliquait qu’il n’était pas évident de prolonger cette dernière jurisprudence au cas où la méconnaissance de la réglementation existait en quelque sorte dès l’origine. En effet, le maître d’œuvre peut voir sa responsabilité engagée à titre de constructeur pour des défauts de conception mais cette responsabilité s’éteint avec la réception de l’ouvrage (CE 2 décembre 2019, Société Guervilly et autres du n° 423544, T. pp. 833-834). Pour le rapporteur public Nicolas Labrune, « dit autrement, si, dans un cas comme celui de l’espèce, le maître d’ouvrage invoque, postérieurement à la réception, un manquement du maître d’œuvre à son devoir de conseil, est-ce que cela ne contreviendrait pas à l’impossibilité d’invoquer un vice de conception après la réception, qui a mis fin aux obligations contractuelles du maître d’œuvre ? ». Mais le rapporteur public convainc le Conseil d’Etat, non pas sur le terrain de la dissimulation frauduleuse (CE, Section, 15 juillet 2004, Syndicat intercommunal d'alimentation en eau des communes de la Seyne et de la région Est de Toulon, n° 235053, p. 345) mais sur ce que l’on peut appeler la double nature de la mission du maître d’œuvre : à la fois responsable de la conception mais aussi assistant au stade de la réception. Aussi, le fait que l’on puisse quelque part voir un défaut de conception de l’ouvrage à ne pas avoir prévu la conformité aux règles d’aération et d’accessibilité ne dispense de voir un défaut de conseil au stade de la réception. Certes, comme le dit le rapporteur public, cela atténue la portée de la jurisprudence Guervilly précitée mais est de nature à renforcer l’obligation de conseil et de vigilance du maître d’œuvre, surtout compte tenu de la réglementation en cause dans l’espèce concernée dont on a du mal à voir qu’elle ne puisse engager la responsabilité du maître d’œuvre par la seule magie de la réception de l’ouvrage.

L’affaire est renvoyée à la Cour administrative d’appel de Lyon.
 

François LICHERE
Professeur agrégé en droit public