Par François Lichère, professeur agrégé de droit public
Retrouvez dans les brèves les derniers textes officiels et les dernières décisions juridictionnelles pouvant susciter l'intérêt des spécialistes de la commande publique.
- Sommaire de L'Essentiel du Droit des Contrats Publics - Septembre 2024
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Commentaires de textes ou décisions
► CE, 24 juillet 2024, n°491268, Commune de Sevran, classé B
Il n’y a pas d’atteinte à l’impartialité pour un président de commission DSP ayant notamment déclaré que le contrat en cours était « mal géré ».
► CE, 30 juillet 2024, n°470756, Communauté d'agglomération Valence Romans agglomération, classé B
L’exigence d’un avis d’un jury de concours n’a pas d’incidence sur l’étendue du pouvoir d’appréciation du pouvoir adjudicateur.
► CE, 24 juillet 2024, n°490458, Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ), classé B
Des architectes non-inscrits au tableau du conseil régional de Polynésie peuvent y exercer ponctuellement et sous réserve d’en informer préalablement le conseil régional.
► CE, 30 juillet 2024, n°485583, Collectivité territoriale de Martinique, classé B
Le contrôle du juge administratif sur les sentences arbitrales internes est identique à celui des sentences arbitrales internationales.
► CE, 30 juillet 2024, n°491172, Société Tarkett France, et n°491177, Société Gerflor, classés B
La décision par laquelle un magistrat administratif enjoint à une partie de remettre à l’expert les documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission présente un caractère juridictionnel.Brèves
Brèves pour la période d'avril à septembre 2024 :
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Décisions juridictionnelles et avis contentieux
CE, 25 juin 2024, n° 474352, Société d’exploitation des aéroports de Rennes et Dinard (SEARD)
► Consulter la décision.
Absence de faute d’une autorité concédante dans la passation d’une DSP s’agissant d’une charge financière apparue ultérieurement.
« En deuxième lieu, c’est par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, et sans contradiction de motifs que la cour a jugé que la région Bretagne n’avait pas connaissance, en 2009, à la date de la passation du contrat de délégation de service public, d’un risque contentieux d’annulation du licenciement de l’ancien chef d’exploitation de l’aéroport de Dinard intervenu en 2008 et de la charge financière qu’il était susceptible de faire peser sur le délégataire et relevé, par ailleurs, que cette même région s’était engagée auprès de l’ancien délégataire à prendre en charge le coût du litige excédant le montant de la provision constituée par ce dernier, dès lors que cet engagement était postérieur à la signature de la convention de délégation de service public en cause.
C’est par suite sans erreur de droit qu’elle a écarté la faute qu’aurait commise l’autorité concédante pour n’avoir pas informé les candidats à la délégation de service public de l’existence d’un tel risque ».
CE, 18 juillet 2024, n° 491229, Commune d’Anglet
Impossibilité pour le juge des référés provision d’accorder une provision en se prononçant sur la légalité d’un marché conclu sans publicité ni mise en concurrence.
« Le juge des référés de la cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que la commune d’Anglet avait pu régulièrement conclure un contrat sans publicité ni mise en concurrence préalable, sur le fondement des dispositions précitées de l’article R. 2122-3 du code de la commande publique, avec la société Victoria-Faure Événement en vue de l’organisation d’un concert du groupe Ofenbach, dès lors que celle-ci avait, deux jours avant la signature dudit contrat, conclu avec la société de production Allo Floride un contrat par lequel cette dernière lui aurait cédé à titre temporaire l’exclusivité des droits de représentation du groupe. En tranchant ainsi une question de droit qui soulève une difficulté sérieuse d’interprétation de ces dispositions, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Bordeaux a méconnu les dispositions de l’article R. 541-1 du code de justice administrative qui ne permettent au juge des référés d’accorder une provision que lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen du pourvoi, la commune d’Anglet est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance qu’elle attaque ».
CE, 27 mai 2024, n° 491432 et 491438, Société ATSS et Métropole Nice Côte d’Azur
Annulation par le juge du référé précontractuel de l’admission d’un candidat du fait de l’absence de données chiffrées sur ses capacités financières.
« Il résulte de l’instruction que la société ATSS s’est bornée, pour justifier de ses capacités financières, à produire deux attestations bancaire et comptable qui ne comportaient aucune donnée chiffrée relative à sa situation financière. En admettant la candidature de cette société alors que, sur la base de ces seules attestations, elle ne pouvait pas être regardée comme justifiant de ses capacités financières au regard des exigences de l’article 5.1 du règlement de la consultation, la métropole a méconnu ses obligations de mise en concurrence. Ce manquement est susceptible d’avoir lésé la société Point Break dont l’offre a été rejetée au profit de celle de la société ATSS ».
CE, 18 juillet 2024, n° 492938, Association Nayma
Contradiction entre le règlement de consultation et l’avis d’appel public à concurrence aisément décelable par les candidats de bonne foi et justifiant un rejet d’une offre.
« Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la CADEMA a rejeté les quatre offres de l’association NAYMA comme irrégulières au motif que celle-ci avait, en méconnaissance de l’article 1.4 du règlement de la consultation, présenté une offre sur plus de deux des quatre lots qui composaient le marché. Si l’article II.1.6 de l’avis d’appel public à la concurrence indiquait, contrairement au règlement de consultation, qu’il était possible de soumettre des offres sur tous les lots, cette contradiction entre les documents du marché était aisément décelable par les candidats qui ne pouvaient se méprendre de bonne foi sur les exigences du pouvoir adjudicateur telles qu’elles étaient formulées dans le règlement de la consultation, auquel ils devaient se conformer.
Par conséquent, en jugeant que, faute d’avoir interrogé le pouvoir adjudicateur pour lever cette ambigüité, l’association NAYMA ne pouvait soutenir que celui-ci avait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en écartant ses offres comme irrégulières, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte n’a pas commis d’erreur de droit ».
CE, 18 juillet 2024, n° 492880, Commune de Menton
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Atteinte au principe d’égalité pour avoir admis des offres et rejetés d’autres alors qu’elles présentaient les mêmes manquements ; erreur de droit du juge du référé précontractuel d’avoir annulé toute la procédure.
« 6. Il ressort des énonciations de l’ordonnance attaquée que le juge des référés a constaté que des documents non-conformes ou insuffisants ont été notés « rouge » s’agissant des offres de MM. B... et D... alors que des documents présentés par des candidats admis à négocier et affectés de ces mêmes manquements ont été notés « jaune » ou « vert ». Le juge des référés en a conclu, au terme d’une appréciation souveraine des faits et sans se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d’une offre ou les mérites respectifs des différentes offres, que l’autorité concédante avait méconnu le principe d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.
Par suite, les moyens tirés de ce que le juge des référés aurait commis une erreur de droit, méconnu son office et dénaturé les pièces du dossier ne peuvent qu’être écartés. Toutefois, compte tenu du manquement relevé qui se rapportait à la phase d’admission des candidats à la négociation, le juge des référés a commis une erreur de droit en annulant l’ensemble de la procédure ».
CE, 25 juin 2024, n° 479982, Société Godart-Roussel et Société MJSP
► Consulter la décision.
Absence d’informations privilégiées d’un candidat malgré ses liens avec la société ayant rédigé le cahier des charges ainsi qu’à l’absence de redondance des critères de choix.
« 4. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel de Lyon a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation et sans commettre d’erreur de droit dans la charge de la preuve, que le dossier de création de la ZAC, rédigé par la société Dorgat, a été mis à la disposition de l’ensemble des candidats et qu’il ne résultait pas de l’instruction que la société Bureau d’aménagement foncier et d’urbanisme aurait, du fait de ses liens avec la société Dorgat, bénéficié d’informations privilégiées pour formuler son offre.
Par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en ne recherchant pas, en l’absence de tout indice dont la commune aurait alors eu connaissance de l’existence d’une situation de nature à créer une distorsion de concurrence entre les candidats, si la commune aurait dû prendre des mesures supplémentaires pour prévenir la survenance d’une telle situation, ni en en déduisant que le principe d’égalité de traitement entre les candidats n’avait pas été méconnu.
En second lieu, aux termes de l’article 52 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés public : « I. - Le marché public est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché public ou à ses conditions d’exécution (...) / II. - Les critères d’attribution n’ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l’acheteur et garantissent la possibilité d’une véritable concurrence ».
Il résulte de ces dispositions qu’il appartient au pouvoir adjudicateur de déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse en se fondant sur des critères permettant d’apprécier la performance globale des offres au regard de ses besoins. Ces critères doivent être liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, être définis avec suffisamment de précision pour ne pas laisser une marge de choix indéterminée et ne pas créer de rupture d’égalité entre les candidats. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le règlement de la consultation prévoyait cinq critères de notation des offres, dont le troisième portait sur les « pertinence, complétude et clarté de l’offre eu égard aux attentes du maître d’ouvrage » représentant 30 % de la note finale et le cinquième sur les « complétude, personnalisation, clarté et soin du dossier du candidat, de sa note méthodologique et du calendrier prévisionnel » représentant 5% de la note finale.
Dès lors, le troisième critère, destiné à apprécier l’adéquation de l’offre au regard des attentes du maître d’ouvrage, portait sur le contenu de l’offre tandis que le cinquième, qui visait à apprécier les efforts de personnalisation et le soin apporté à l’offre, se rapportait à sa forme. Par suite, la cour administrative d’appel de Lyon n’a pas dénaturé les pièces du dossier en jugeant que ces deux critères ne présentaient pas de caractère redondant ou imprécis ».
CE, ord., 10 juillet 2024, n° 495501, 495502 et 495503, Agir pour l’environnement et autres
Absence d’urgence à suspendre le refus d’abroger le décret approuvant un article du contrat de concession autoroutière de l’A69.
« Pour justifier de l’urgence qui s’attache à suspendre l’exécution des décisions implicites de rejet attaquées, les associations requérantes font valoir, en premier lieu, que le refus implicite d’abrogation de l’article 29 du contrat de concession porterait gravement atteinte aux intérêts qu’elles entendent défendre, et en particulier la sauvegarde des quelques 700 espèces végétales recensées sur le tracé de l’autoroute A69, la construction de cette infrastructure étant d’après elles de nature à porter une atteinte grave et immédiate à cette biosphère.
En deuxième lieu, elles soutiennent qu’en raison de la durée exceptionnellement longue du contrat de concession, le montant des bénéfices cumulés que le concessionnaire est susceptible de réaliser pourrait atteindre la somme de 3,2 milliards d’euros, laquelle est très supérieure aux normes communément admises en matière de concessions. En troisième lieu, les associations requérantes font valoir que le refus d’abroger l’article 29 du contrat de concession préjudicie de manière grave et immédiate à l’intérêt public et aux principes de la commande publique.
Toutefois, d’une part, la seule circonstance qu’une stipulation d’un contrat de concession serait entachée d’illégalité, à la supposer établie, n’est, par elle-même, pas de nature à caractériser une situation d’urgence justifiant que, sans attendre le jugement au fond de la requête à fin d’annulation du refus d’abroger la stipulation en cause, l’exécution de celle-ci soit suspendue à titre conservatoire.
D’autre part, les considérations d’ordre général mises en avant par les associations requérantes, qui ne sont pas étayées par des éléments précis établissant la réalité des risques pour l’environnement liés à la réalisation des travaux de construction de cette infrastructure autoroutière, ne sont pas de nature à établir que l’exécution des stipulations du contrat de concession dont elles demandent la suspension en référé serait susceptible de porter une atteinte suffisamment grave et immédiate à un intérêt public ou aux intérêts qu’elles entendent défendre ».
CAA Lyon, 23 mai 2024, n° 23LY01182, Société Cars A…
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Pas de conflit d’intérêts d’un sous-traitant au seul motif que son gérant est également conseiller départemental.
« Il est constant que la société Cars A..., à laquelle la société Transarc Aquilon a entendu sous-traiter deux des lots de l'accord-cadre de transports scolaires qui lui ont été attribués par le département de la Loire, a pour gérant M. A..., également investi d'un mandat de conseiller départemental de cette collectivité. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ce dernier, qui n'est titulaire d'aucune délégation, n'est pas membre de la commission d'appel d'offres et démontre, par les relevés de décisions qu'il produit, s'être déporté lors des votes intervenus en matière de transport, aurait pris part, de quelque façon que ce soit, aux travaux préparatoires ou à la procédure de passation de ce marché. Le département de la Loire ne fait, par ailleurs, valoir aucune circonstance tendant à établir qu'il aurait été susceptible d'en avoir influencé l'issue. Dans ces circonstances, aucun conflit attentatoire à l'impartialité de l'attribution de la commande publique de transports n'a pu résulter du cumul du mandat électif de M. A... et de sa situation de gérant d'une société entretenant une relation régulière de sous-traitance avec la société Transarc Aquilon, désignée comme titulaire de ces marchés au terme de la procédure de mise en concurrence.
Par suite, alors même que ce projet de sous-traitance n'avait pas été déclaré lors de la procédure de passation, le président du conseil départemental de la Loire ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées, estimer que le mandat de M. A... plaçait la société Cars A... dans une situation de conflit d'intérêts et donc d'exclusion de soumissionner, en application de l'article L. 2141-10 du code de la commande publique, pour refuser de l'accepter comme sous-traitante de la société Transarc Aquilon ».
CAA Marseille, 2 avril 2024, n° 22MA01146, Société Vert Marine
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Solidarité à l’égard de la société de projet liquidée et pénalités non excessives.
En premier lieu, en raison de clauses du contrat de concession qui instauraient une responsabilité solidaire « irrévocable et inconditionnelle » du concessionnaire pour les engagements incombant à la société de projet substituée à la société choisie initialement pour la concession, la liquidation de la société de projet « n'a pu avoir d'effet sur les engagements contractuels propres liant l’autorité concédante et le concessionnaire » et ce dernier se trouve à son tour, du fait de la liquidation de la société de projet « [substitué] dans l’ensemble de ses droits et obligations contractuels ».
En second lieu, des pénalités représentant près de 14 % des recettes prévisionnelles sur 10 ans ne revêtent pas un caractère manifestement excessif « compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de l'inexécution totale de ses obligations contractuelles ».
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