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Décret n° 2024-1217 du 28 décembre 2024 et Décret n° 2024-1251 du 30 décembre 2024

Commentaire par François Lichère, professeur agrégé de droit public

Les décrets de simplification de la commande publique adoptés.

Sommaire de L'Essentiel du Droit des Contrats Publics - Janvier 2025

Commentaires de textes ou décisions
 

CE, 30 décembre 2024, n°491266, Société Ciné Espace Evasion, classé B
L’autorité concédante peut admette à la négociation un soumissionnaire ayant remis une offre initiale irrégulière, sauf à ce que la régularisation de l’offre se traduise par la présentation d’une offre entièrement nouvelle.


► CJUE, 9 janvier 2025, C‑578/23, Česká republika – Generální finanční ředitelství contre Úřad pro ochranu hospodářské soutěže
Une situation d’exclusivité ne peut justifier un marché sans publicité ni mise en concurrence préalable que si le pouvoir adjudicateur n’est pas à l’origine de cette exclusivité.


CJUE, 16 janvier 2025, C-424/23, DYKA Plastics NV contre Fluvius System Operator CV
Les spécifications techniques ne peuvent imposer un matériau en particulier sauf si cela résulte de l’objet même du marché.


CE, 30 décembre 2024, n°491818, Chambre d’agriculture de l’Orne, et n°492012, Chambre d’agriculture de région Normandie, classé B
Le maître d’ouvrage ne saurait rechercher la responsabilité des sous-traitants lorsqu’il a laissé prescrire l’action en responsabilité contractuelle qu’il pouvait exercer contre son ou ses cocontractants.


► Décret n° 2024-1217 du 28 décembre 2024 relatif au seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables pour les marchés de travaux et Décret n° 2024-1251 du 30 décembre 2024 portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique
Les décrets de simplification de la commande publique adoptés.


 

Brèves

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Décision commentée :

Décret n° 2024-1217 du 28 décembre 2024 relatif au seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables pour les marchés de travaux et Décret n° 2024-1251 du 30 décembre 2024 portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique

► Consulter le texte du décret n° 2024-1217.
► Consulter le texte du décret n° 2024-1251.

 

Commentaire de la décision :


Le premier de ces deux décrets pérennise le seuil de 100 000 euros pour la dispense de publicité et de mise en concurrence des marchés de travaux. Mais cette pérennisation pose question : du reste, la synthèse de la consultation publique fait état d’interrogations sur le risque de favoritisme, au point que la DAJ a eu besoin de rappeler que, même en dessous de ces seuils, les principes fondamentaux de la commande publique (libre accès, égalité des candidats, transparence des procédures). La pérennisation est d’ailleurs limitée à une année, alors que les précédentes fois la durée d’expérimentation était de deux ans.

L’autre décret, officiellement dit de simplification, prévoit l’adoption de mesures dont certaines apportent une simplification, d’autres remplissent des objectifs plus larges.

Au titre de la simplification, on peut ranger plusieurs mesures, à l’image de l’augmentation du seuil de publicité et de mise en concurrence des marchés de défense ou de sécurité « innovants » à 300 000 euros (80 000 par lots), même si elles ne concernent que ces marchés particuliers de l’Etat et que les projets « innovants » avec toutes les incertitudes qui entourent la notion.

Le décret dispose que l’avance accordée au titre de la tranche précédente doit être intégralement remboursée pour qu’une nouvelle tranche puisse être versée alors qu’auparavant les prestations exécutées au titre de la tranche précédente devaient avoir atteint 80 % du montant de celle-ci.

Au titre d’autres objectifs, on peut évoquer la transposition, prévue par les directives européennes marchés publics, de la faculté reconnue à l’acheteur de choisir d’émettre des bons de commande en partie avec remise en concurrence préalable des titulaires ou plus exactement de transformer ce qui était prévu comme un bon de commande par un marché subséquent avec remise en concurrence pour une partie des prestations. Cette possibilité doit cependant avoir été prévue par les acheteurs dans les documents de marché relatifs à l’accord-cadre en fonction de circonstances objectives, qui sont énoncées dans les documents de marché relatifs à l’accord-cadre. Ces documents doivent également en préciser les conditions. On ne peut pas vraiment parler de simplification si l’on en juge par les interrogations suscitées par cette possibilité dans la consultation publique mais plutôt de flexibilité. Du reste, la synthèse indique que : « À la demande de nombreux acheteurs, le terme de « critères objectifs » a été remplacé par celui de « circonstances objectives » dans un souci de clarté ». À titre de flexibilité également, la possibilité de constituer ou de modifier des groupements pendant les procédures négociées ou de dialogue compétitif est introduite par ce décret, et même étendue aux procédures adaptées avec négociation à la suite de la consultation mais pas aux appels d’offres en raison d’une jurisprudence restrictive de la CJUE.

Au titre de la promotion des PME, le décret abaisse le taux de la retenue de garantie pour les PME de 5 à 3 % pour certains marchés. Cette disposition existait déjà pour les marchés de l’Etat et n’est pas étendue à tous les acheteurs mais seulement aux collectivités territoriales et leurs groupements et aux établissements publics administratifs de l'Etat, autres que les établissements publics de santé, mais seulement d’une certaine taille pour les deux catégories (ceux dont les charges de fonctionnement constatées dans le compte financier au titre de l'avant-dernier exercice clos sont supérieures à 60 millions d'euros). Toujours pour la promotion des PME, pour les marchés globaux, la part qui doit revenir aux PME passe de 10 à 20 %, même si est maintenue l’exception, introduite en même temps que l’obligation de 10 % par l’article 3 du décret n°2021-357 du 30 mars 2021 (« lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas »).

Le délai de paiement pour les marchés de travaux et de maîtrise d’œuvre court à compter de la réception par le maître d’ouvrage du décompte général et définitif mais cette disposition est désormais ouverte à tous les acheteurs et pas seulement aux personnes morales de droit public comme avant. Encore faut-il qu’un renvoi aux CCAG pertinents (ou équivalent comme les CCCG de SNCF réseau) soit opéré dans le contrat, ce qui pose la question de l’intérêt d’un tel article dans un Code alors que son application est conditionnée par l’existence d’une clause.

Enfin, deux dispositions du projet de décret n’ont pas été reprises, celle relative aux primes dans les procédures concours et sur les modifications pour les prestations devenues nécessaires.

La synthèse en donne les raisons. Sur les primes, bien qu’apportant une protection économique utile envers les opérateurs économiques, sa mise en œuvre pratique était questionnée, à l’image des cas dans lesquels le jury se réunirait après les 3 mois impartis dans le projet de décret. Peut-être qu’aussi le souci de préserver les deniers publics a prévalu. Sur les modifications pour prestations supplémentaires nécessaires, la double condition cumulative introduite par le projet de décret « n’apporte pas de souplesse supplémentaire au cadre actuel » d’après la synthèse. Il est vrai que cela aurait permis d’être en conformité avec la Directive, mais celle-ci est un peu illogique sur le sujet.

François LICHERE
Professeur agrégé en droit public