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Brèves de la Newsletter d'octobre 2023

Par Cédric Bernard, chercheur de la Chaire DCP

Retrouvez dans les brèves les derniers textes officiels et les dernières décisions juridictionnelles pouvant susciter l'intérêt des spécialistes de la commande publique.

Sommaire de L'Essentiel du droit des Contrats Publics - Octobre 2023

Commentaires de textes ou décisions
 

Conseil d'Etat, 12 juillet 2023, n° 469319, Grand port maritime de Marseille
La conciliation entre prérogatives légales des assureurs et prérogatives prétoriennes des acheteurs publics titulaires de contrats administratifs.


► Conseil d'Etat, 19 juillet 2023, n° 465308, Société Seateam Aviation et n° 465309, Société Prolarge
Le délai de recours raisonnable d’un an à compter de la connaissance de l’acte en dépit de l’absence de publicité régulière (jurisprudence Czabaj) s’applique au recours Tropic travaux et/ou Tarn-et-Garonne.

 

► Avis du Conseil d’État (section des travaux publics), 8 juin 2023, n° 407003, portant sur la sécurisation des mesures permettant d’assurer une meilleure prise en compte de l’intérêt public dans l’équilibre des contrats de concession autoroutière
La résiliation des concessions d’autoroutes pour motif de « surrentabilité » n’est en principe pas possible, à l’exception du cas d’altération profonde et irréversible de l’équilibre économique de la concession. En tout état de cause existerait un droit à indemnité.


► Avis du Conseil d’État (section des finances), 8 juin 2023, n° 407004, portant sur la contribution de certaines sociétés titulaires de contrats de concession ou de contrats assimilés au financement des investissements publics
Il est possible à la loi de créer une taxe sur les concessionnaires ou sur les concessionnaires d’autoroutes, mais impossible de neutraliser le mécanisme de compensation prévu par contrat.


Cour de justice de l'Union européenne, 20 avril 2023, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato contre Comune di Ginosa, aff. C‑348/22
La directive « Services » 2006/123 est valide et son article 12 §§ 1 et 2 est d’effet direct, ce qui prohibe le renouvellement automatique des autorisations domaniales. La rareté de la ressource peut être appréciée aussi bien de manière générale et abstraite qu’ en fonction du territoire côtier concerné.

  

Brèves

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Brèves pour la période estivale de 2023 :
 

Textes officiels

Décret n° 2023-913 du 3 octobre 2023 relatif aux marchés globaux de performance énergétique à paiement différé

Mots-clefs : Marchés globaux de performance énergétique à paiement différé.
► Consulter le décret.

Pris en application de la Loi n°2023-222 du 30 mars 2023 visant à ouvrir le tiers financement à l'Etat, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique ayant créé à titre expérimental les marchés globaux de performance énergétique à paiement différé, le décret précise les contenus et conditions de l'étude préalable réalisée pour justifier du recours à ce nouveau type de marché global de performance (art. 1 à 3), ainsi que de l'étude de soutenabilité budgétaire qui doit être préparée préalablement à la décision de recourir à ce type de contrat (art. 4 à 6). 

En outre, le décret détermine les autorités administratives auprès desquelles les acheteurs doivent obtenir les autorisations préalables pour le lancement de la procédure d'attribution et pour la signature d'un marché global de performance énergétique à paiement différé (art. 7 et 8).

 

Décisions juridictionnelles

CJUE, 1ère ch., 7 septembre 2023, Commission européenne c/ République de Pologne, aff. C-601/21

Mots-clefs : Exclusion des procédures de passation ; Marchés publics de service ; Sécurité nationale.
► Consulter le texte de la décision.

Manque à ses obligations lui incombant en vertu de la directive 2014/24/UE l’Etat membre qui prévoit dans sa législation une exclusion des procédures de passation de marché pour les services de production des documents, des timbres d’accise, des marquages légaux, des vignettes de contrôle, des bulletins de vote, des signes holographiques figurant sur les attestations de droit de vote ainsi que des systèmes à microprocesseurs dotés d’un logiciel destiné à la gestion des documents publics, des systèmes informatiques et des bases de données nécessaires à l’utilisation des documents publics, contenant une puce électronique, conformément à leur destination, alors qu’une telle exclusion n’était pas prévue à l’article 15 par. 2 et 3 de la directive 2014/24/UE.

En effet, pour se prévaloir du bénéfice de l’article 15 par. 2 et 3 de ladite directive (à savoir l’exclusion de l’application de la directive lorsque la passation et l’exécution du marché public sont déclarées secrètes ou nécessitent des mesures particulières de sécurité, notamment pour la préservation de la sécurité nationale), l’Etat membre doit démontrer que les intérêts essentiels de sa sécurité qu’elle estime devoir être protégés ainsi que les garanties inhérentes à la protection de ces intérêts n’auraient pu être atteints dans le cadre d’une mise en concurrence.

Par conséquent, n’est pas recevable le moyen selon lequel la sécurité des services devait être assurée en raison des informations confidentielles qu’ils contiennent dès lors que, comme l’a déjà jugé la CJUE (20 mars 2018, Commission c/ Autriche (Imprimerie d’Etat), aff. C-187/16), des obligations de confidentialité peuvent être prévue dans les documents de consultation de la mise en concurrence et que les spécificités techniques du marché peuvent prévoir de telles garanties lors de l’exécution du marché, sauf à ce que ces informations puissent entraîner des conséquences irréparables pour la sécurité nationale de l’Etat membre en étant susceptibles d’être utilisées par des Etats tiers ou des groupes criminels.
 

CE, 2 août 2023, n° 472976, Communauté de communes de Rahin et Cherimont, classée C

Mots-clefs : Transparence ; Critères et sous-critères (communication).
► Consulter le texte de la décision.

Les éléments d’appréciation de sous-critères, bien que pondérés, ne doivent être communiqués aux candidats dans le cadre d’une procédure de passation d’un contrat de la commande publique qu’à la condition que ces éléments d’appréciation des sous-critères, eu égard à leur objet et leur pondération, soient susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats.

Les conclusions du rapporteur public Nicolas Labrune sont éclairantes sur la qualification ou non d’un « sous-sous-critère » :

« Il ne faudrait en effet pas voir des sous-sous-critères à chaque fois qu’une commission d’appel d’offres s’est donnée des directives d’appréciation chiffrées des sous-critères. En présence de sous-critères suffisamment détaillés, comme en l’espèce, l’information des candidats est en général suffisante et il faut vraiment qu’apparaisse dans le barème de notation une caractéristique très particulière de l’offre et très valorisée pour qu’il y ait irrégularité. Or tel n’était pas le cas en l’espèce. Pour chacun des trois sous-critères en cause, les items du barème de notation ne visaient pas à isoler une caractéristique de l’offre distincte du sous-critère lui-même et, par ailleurs, aucun de ces items n’avait une pondération suffisamment différente des autres pour en faire un sous-sous-critère individualisable. »

 

CE, 9 août 2023, n° 467667, Département de la Drôme, classé C

Mots-clefs : Responsabilité décennale du constructeur ; Ouvrage impropre à sa destination.
► Consulter le texte de la décision.

Dans le cadre de la garantie décennale des constructeurs, des désordres apparus dans le délai de dix ans à l’issue de la réception d’un ouvrage, de nature à en compromettre la solidité ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité des constructeurs même si ces désordres ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage s’ils rendent celui-ci impropre à sa destination. La circonstance que les désordres affectant un élément d’équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément (en l’espèce, l’augmentation de la température dans les pièces du bâtiment) n’est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l’ouvrage lui-même impropre à sa destination.


 

CE, 13 juillet 2023, n° 473572, Syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets, classée C

Mots-clefs : Sursis à exécution d'une décision juridictionnelle ; Responsabilité contractuelle.
► Consulter le texte de la décision.

Est recevable, à l’appui d’une demande de sursis à exécution d’une décision juridictionnelle, le moyen tiré de ce que le juge du fond « a dénaturé les stipulations du contrat par lequel le syndicat requérant a délégué à la société Valespace l’exploitation d’un centre de tri de déchets, en jugeant que les prescriptions techniques minimales applicables aux travaux de mise en conformité à la charge du délégataire n’étaient pas définies contractuellement », dès lors que ce moyen paraît « sérieux et, en l’espèce, de nature à justifier, outre l’annulation de l’arrêt attaqué, l’infirmation de la solution retenue par les juges du fond » et que, au regard de la situation financière de la société dont la capital social a été diminué de moitié, la décision expose le syndicat requérant « à la perte définitive de sommes qui ne devraient pas rester à sa charge au cas où ses conclusions tendant à l’annulation de l’arrêt seraient reconnues fondées par le Conseil d’Etat ».

 

CE, 30 juin 2023, n° 462498, Société Les Halles Foréziennes, classée C

Mots-clefs : Résiliation ; Indemnisation de la perte du bénéfice net.
► Consulter le texte de la décision.

Est infondée pour absence de préjudice la demande d’indemnisation de la perte du bénéfice net, dont le titulaire d’un marché résilié irrégulièrement a été privé, reposant sur des loyers qui auraient dû être perçus jusqu’au terme du contrat de location alors que les biens ont été remis à disposition du titulaire par la commune à partir de la date d’effet de la résiliation.

 

CE, 23 juin 2023, n° 468965, Société Demathieu Bard Construction, classée C

Mots-clefs : Expertise judiciaire ; Partage de responsabilités ; Influence des études préalables sur l'exécution du marché.
► Consulter le texte de la décision.

Commet une erreur de droit le juge des référés qui, saisi de conclusions tendant à l’extension d’opérations d’expertise à des sociétés ayant eut un rôle dans l’élaboration de l’étude géotechnique préalable au lancement du marché de conception-réalisation attribué au groupement dont la société requérante est mandataire afin d’apprécier les responsabilités des divers intervenants, les rejette au motif que l’extension demandée se rattache à un litige extracontractuel relatif à des études réalisées en amont des travaux de construction « sans rechercher si l’intervention, antérieurement à la conclusion du contrat, [des sociétés mises en cause] avait pu exercer une influence sur l’exécution du contrat, notamment sur la conception des fondations et l’exécution des travaux de fondation de l’immeuble ».

 

Cass., Civ. 1ère, 14 juin 2023, n° 22-10.170

Mots-clefs : Résiliation ; Durée excessive ; Indemnisation ; Concession de droits de place.
► Consulter le texte de la décision.

N’est pas recevable, à la suite d’une résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général d’une concession de droits de place*, la demande d’indemnisation du manque à gagner pour la période restant à exécuter du contrat dès lors que les investissements réalisés par le concessionnaire ont été entièrement amortis à la date de la résiliation.

*Les litiges relatifs aux concessions de droits de place dans les foires, halles et marchés relèvent de la compétence du juge judiciaire.

 

CAA Lyon, 13 juillet 2023, Société Signaux Girod et autres, n° 20LY00665

Mots-clefs : Entente anticoncurrentielle ; Marchés publics ; Responsabilité solidaire.
► Consulter le texte de la décision.

Peut être recherchée, à la suite d’une entente anticoncurrentielle ayant conduit une autorité contractante à conclure un marché dans des conditions désavantageuses, la responsabilité solidaire de l’ensemble des entreprises ayant participé à cette entente pour l’intégralité du préjudice subi en raison des marchés affectés par l’entente, quand bien même des entreprises de l’entente n’aient pas contracté avec l’autorité contractante. En l’espèce, une entreprise n’ayant participé à une entente que pendant une année a été solidairement condamnée à la totalité du préjudice subi sur la période intégrale de l’entente.

 

CAA Paris, 4 juillet 2023, Commune de Fontainebleau, n° 20PA02799

Mots-clefs : Résiliation pour motif d'intérêt général ; Concession ; Durée excessive ; Appréciation de la durée du contrat.
► Consulter le texte de la décision.

Dans le cadre d’une résiliation pour motif d’intérêt général en raison de la durée excessive d’une concession, l’appréciation de la durée normale d’amortissement doit tenir compte, lorsque l’autorité concédante remet au concessionnaire des installations en contrepartie d’une redevance, desdites redevances du fait qu’elles constituent des dépenses d’investissement pour le concessionnaire. En cas de résiliation pour motif d’intérêt général et si la préservation des droits du nouveau concessionnaire s’oppose à la reprise des relations contractuelles, le montant de l’indemnisation de l’ancien concessionnaire comprend « la fraction non amortie de cette redevance ».
 
 
Cédric BERNARD
Chercheur de la Chaire de droit des contrats publics