Rapport - Prévention de la corruption et contrats publics


A travers son troisième rapport, la Chaire de droit des contrats publics entend mesurer l'effectivité des règles de compliance dans le cadre des contrats publics.


En particulier, les enquêtes se sont concentrées sur l’effectivité de la mise en œuvre des mesures de la loi « Sapin 2 » par les acteurs publics ou privés parties à des contrats publics, et sur les éventuelles difficultés rencontrées par les praticiens dans leur mise en place. Une attention particulière est également portée sur le rôle de l’Agence française anticorruption (AFA) dans l’accompagnement et le contrôle de l’application des mesures.

 
Synthèse du rapport

Les constats

 

Au terme de l’étude, conduite grâce à 26 entretiens semi-directifs et deux sondages en ligne, les constats généraux d’une tendance progressive à la moralisation des pratiques dans les contrats publics et d’une réduction corrélative des cas de corruption ont été dressés. Néanmoins, semblent persister des pratiques commerciales qui se situent dans un espace-tampon entre le légal et le pénalement répréhensible, au sein duquel le risque est bien présent.

En outre, il ressort de nos enquêtes qualitatives et quantitatives le constat d’une corrélation entre l’intensité du cadrage juridico-administratif et le risque de corruption : moins l’encadrement sera élaboré et approfondi, plus le risque de corruption augmentera. Tel est notamment le cas de la phase d’exécution contractuelle perçue par les opérateurs économiques et les autorités contractantes comme sujette à un risque accru de corruption. Dès lors, plus une étape du cycle d’un contrat ou une procédure est juridiquement encadrée, transparente et collégiale, moins le risque de corruption est important.

Quant à la mise en place des mesures de prévention, deux situations sont à distinguer : celle des autorités contractantes et celles des opérateurs économiques.

S’agissant des autorités contractantes, la mise en place des mesures de prévention de la corruption décrites à l’article 17 de la loi « Sapin 2 » et détaillées par les recommandations de l’AFA est à géométrie variable, ce qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Un facteur juridique d’abord puisque certaines autorités contractantes sont soumises aux dispositions de l’article 17 de la loi « Sapin 2 », là où la plupart ne le sont pas et ne sont donc pas soumises au risque de sanction administrative par l’AFA. Par ailleurs, un facteur structurel se dégage car parmi les autorités contractantes soumises à l’article 3, 3° de la loi « Sapin 2 », nous retrouvons des personnes publiques aux tailles profondément variables. La faculté d’appropriation de la logique de conformité semble alors proportionnelle à la taille de l’entité. Enfin, le facteur volontariste ne doit pas être négligé puisque nos enquêtes qualitatives et quantitatives ont démontré qu’à catégorie et taille équivalente, les autorités contractantes n’étaient pas nécessairement au même stade d’avancement en matière de compliance.

S’agissant des opérateurs économiques, l’appropriation de la logique de compliance est largement plus étendue. Néanmoins, nos enquêtes ont permis de mettre en lumière tout à la fois les méthodes vertueuses et les difficultés intrinsèques à chacune des mesures précisées par la loi et les recommandations de l’Agence française anticorruption.

Enfin, nos enquêtes relèvent que l’activité de conseil de l’AFA est plutôt bien considérée par les praticiens, en particulier l’appui spécifique effectuée par la publication de guides thématiques ou sectoriels. La pédagogie de l’AFA dans le cadre de son contrôle préventif est également appréciée par les professionnels de la commande publique en raison, non pas de la recherche systématique de sanction mais, de l’accompagnement des acteurs dans l’amélioration des défauts de leurs dispositifs.

Les recommandations

 

Les recommandations que nous formulons dans le rapport ne constituent que l’état actuel de nos réflexions. Elles ont vocation à être enrichies et nous invitons toutes les personnes intéressées à nous faire part de leurs remarques à chairedcp@univ-lyon3.fr.
 

Concernant la loi « Sapin 2 » :
 

  • Intégrer un article 17-1 à la loi « Sapin 2 » du 9 décembre 2016 imposant aux personnes morales de droit public la mise en place d’un référentiel anticorruption en suivant, avec quelques adaptations, la matrice de l’article 17 ;
  • Modifier le décret n° 2017-329 du 14 mars 2017 relatif à l’Agence française anticorruption pour préciser les modalités de mise en œuvre du nouvel article 17-1 de la loi « Sapin 2 » ;
  • Étendre le champ d’application de l’article 17 aux entreprises appartenant à un groupe dont la société mère est étrangère ;
 

Concernant le Code de la commande publique :

 
  • Ajouter une disposition réglementaire afin d’imposer aux autorités contractantes l’évaluation de l’intégrité du candidat auquel il est envisagé d’attribuer un contrat ;
  • Codifier la jurisprudence Vert Marine permettant l’auto-réhabilitation des entreprises visées par un motif d’exclusion de plein droit et adapter les dispositions réglementaires ;
  • Codifier la jurisprudence Département des Bouches-du-Rhône en permettant l’exclusion à l’appréciation de l’autorité contractante d’une personne ayant tenté d’influer sur l’attribution d’un contrat de la commande publique au cours des trois années précédant l’attribution d’un contrat ;
  • Créer un référentiel national et standardisé d’évaluation de l’intégrité des tiers.