Rapport - Liens entre règles de passation et difficultés d'exécution dans les contrats publics


Peu étudiée par la doctrine juridique, davantage par la doctrine économiste, la question des liens entre règles de passation et difficultés d’exécution a fait l’objet du deuxième rapport de la Chaire de droit des contrats publics.


Il s’agissait de sonder les règles de passation des contrats publics pour tenter de déterminer si certaines d’entre-elle se présentaient, en dépit de leurs vertus intrinsèques, comme des facteurs de difficultés d’exécution (de toute nature : techniques, juridiques, financières…) rendant ainsi peu effectif le principe d’efficacité de la commande publique. Les règles de passation ont ainsi été évaluées en tant qu’elles peuvent être à l’origine, en elles-mêmes, de difficultés d’exécution ou en tant que leur mise en œuvre défectueuse (à l’image de la mauvaise définition des besoins) peut générer des difficultés d’exécution.
 

Synthèse du rapport

Les constats

 

Au terme de l’étude, conduite grâce à 21 entretiens semi-directifs et deux questionnaires en ligne qui ont recueilli 151 réponses, le constat général selon lequel les règles de passation des contrats publics n’étaient que peu orientées vers une bonne exécution des contrats a été dressé. Bien que le principe même de la mise en concurrence ne semble pas avoir, en lui-même, d’effet particulièrement négatif sur l’exécution, certaines règles particulières, en revanche, semble œuvrer en ce sens, soit par nature, soit du fait d’une mauvaise application en pratique. Quelques exemples – mais il y en a bien d’autres – de règles ainsi identifiées :

  • Le principe de l’appel d’offres : les marchés publics passés par les pouvoirs adjudicateurs et qui excèdent les seuils de procédures formalisées sont par principe conclus selon la procédure de l’appel d’offres. Or, les enquêtes ont démontré que cette procédure était de nature à engendrer des difficultés d’exécution du fait de l’impossibilité, pour les entreprises, de discuter des termes du contrat, ces dernières se trouvant ainsi dans la position de devoir formuler des offres en fonction d’une demande parfois peu opérationnelle. Ainsi, seuls 8 % des personnes interrogées déclarent que l’appel d’offres permet de limiter les difficultés d’exécution ;
  • L’utilisation limitée de la négociation : il est ressorti de l’enquête qualitative que, même lorsqu’une négociation était organisée, notamment en MAPA, seuls le prix et les délais d’exécutions étaient réellement négociés, à l’exclusion des autres clauses, administratives ou techniques. Si cela a pu être confirmé par l’enquête quantitative à propos des clauses administratives, cela a été infirmé par la même enquête s’agissant des clauses techniques ;
  • La définition du besoin : 80 % des personnes sondées – et ce taux est identique pour les juristes des entreprises comme pour les juristes des autorités contractantes - estiment que la définition du besoin est source de difficultés ultérieures d’exécution. Mal exécutée, elle constitue le péché originel du contrat. Cette mauvaise définition du besoin trouve sa source dans une pluralité de facteurs, de la mauvaise connaissance du marché à la mauvaise communication entre services opérationnels et services de la commande publique ;
  • La pondération des critères : pour 65 % des personnes interrogées, la pondération des critères est un véritable problème dans le sens où l’on observe une surpondération du critère prix qui aboutit à tirer les prix vers le bas, au détriment de la qualité dans l’exécution du contrat ;
  • L’exclusion d’un candidat pour mauvaises performances passées : près de 78 % des personnes ayant participé au sondage estiment que les dispositions permettant à un acheteur d’exclure un candidat pour des inexécutions passées de contrats de la commande publique ne sont pas assez précises, ce qui engendre une certaine insécurité juridique et peut avoir pour effet de ne pas exclure un candidat pour lequel l’on sait, objectivement, qu’il présente un fort risque de mauvaise exécution du marché.

Les recommandations


Les recommandations que nous formulons dans le rapport ne constitue que l’état actuel de nos réflexions. Elles ont vocation à être enrichies et nous invitons toutes les personnes intéressées à nous faire part de leurs remarques à chairedcp@univ-lyon3.fr.
 

Quelques exemples de recommandations formulées par la Chaire dans le cadre de ce rapport :

 
  • Ouvrir la procédure négociée sans condition pour les pouvoirs adjudicateurs, comme cela est déjà le cas pour les entités adjudicatrices ;
  • Fixer dans le code de la commande publique un périmètre étendue pour la négociation, afin de limiter le phénomène largement constaté selon lequel les négociations ne portent généralement que sur le prix et les délais d’exécution ;
  • Sécuriser le sourcing, celui-ci apparaissant comme un remède efficace à la mauvaise définition du besoin ;
  • Encadrer la pondération du critère prix selon une fourchette à laquelle l’acheteur ne pourrait déroger que dans des circonstances particulières ;
  • Préciser les cas dans lesquels il est possible d’exclure un candidat pour mauvaises performances passées.